Phrase centrale de ce film, « tout ce qui a un début a une fin » ? Et ce qui a débuté avec le phénomène Matrix se termine avec la sortie de cette édition DVD, Revolution qui conclue cette trilogie.
Si le premier opus traitait de la naissance, le second de la vie, ce troisième volet traite implicitement de la mort, et des choix qui conditionnent ce passage.
Matrix Reloaded, malgré un obscurantisme certain dans les idées philosophiques abordées avait la force d'ouvrir de très nombreuses pistes que nous espérions voir aboutir dans ce dernier volet. Revolutions, bien que souffrant de nombreux problèmes réussit tout de même à concrétiser et consolider les thèmes abordés, finissant réellement cette série, tant d'un point de vu narratif que « philosophique ».
Le film débute abruptement au moment précis ou le second volet se terminait (en ce sens, un petit rafraichissement de mémoire n'est pas pas un luxe avant de se lancer dans ce visionnement), Neo est dans le coma suite à sa rencontre avec une Sentinelle, les machines sont aux portes de Zion et tout le monde se prépare pour un dénouement qui semble inéluctablement aller à l'éradication des derniers humains.
C'est certainement la grande surprise de ce film, qui se conclue non pas dans un dénouement manichéiste d'un vainqueur et d'un perdant, mais bien plutôt vers une rencontre, vers la paix plutôt que vers la victoire (ce qui dans ces temps agités semble être un message plutôt rafraichissant).
Les héros sont séparés en trois groupes principaux, consitués d'un côté par les résistants de la ville de Zion, de l'autre Morpheus (Lawrence Fishburne), Niobe (Jada Pinket Smith) ainsi que les membres d'équipages partis à la recherche du vaisseau de Morpheus, et enfin, Neo et Trinity qui partent vers le monde des machines. Ces trois aventures parallèles finiront par converger vers Zion et vers la paix entre les hommes et les machines, rappelant quelque part la structure narrative d'une autre trilogie. On retrouve de nombreux personnages rencontrés dans le second opus, Mérovingien (Lambert Wilson) accompagné de Persephone (Monica Bellucci), la majorité des personnages de Zion, mais aussi des personnages que l'on ne voyait qu'en cameo. On pense plus particulièrement ici à Rama Kandra (Bernard White) qui tient un rôle important dans cet opus.
Ce personnage de Rama Kandra et sa famille sont très révélateurs des prétentions de ce film. Rama Kandra, programme de la matrice, s'est « marié » avec un autre programme (Kamala) et ont eu ensemble un enfant, qui malheureusement n'a pas d'utilité directe, et est donc voué à la destruction par la matrice (l'architecte en fait, le côté ordonné, à l'opposé de l'Oracle qui est le côté désordonné). Pour sauver leur fille, Rama Kandra et sa femme vont faire un marché afin de la faire « vivre » dans le monde virtuel de la Matrice.
Ce bref passage (même si l'on revoit la petite fille plusieurs fois avec l'Oracle) impose une vision d'évolution réellement forte, ou les logiciels, tout comme Neo arrivent à une étape où la notion de choix devient centrale. Cette notion de choix est développée dans le dialogue qui se situe dans les limbes, où le logiciel Rama décrit l'amour comme une résultante logique et de connexion. L'amour est certainement un des éléments les plus simples pour différencier l'Homme de toutes autre choses, et c'est dans cette remise en cause de l'exclusivité de ces sentiments/systèmes que la paix est envisageable, dans la notion de perte et d'absence. Leur fille semble la continuité de l'Oracle, c'est elle qui va commencer à coder la matrice selon des buts « improductifs » comme on le voit à la fin du programme. Rama et sa femme sont en fait le point de départ de la paix du côté des machines, car ils ont généré le premier libre choix implanté dans la matrice elle même (ce qui est confirmé par l'oracle lors de sa discussion finale avec l'Architecte et sur la pérénité des logiciels « renégats »). Pour l'anecdote, Rama Kandra est issu de Ramachandra, septième réincarnation de Shiva, qui est celle qui libéra la terre du mal.
C'est donc encore la notion de choix qui est le centre de cet opus, confirmant en cela le décalage nécessaire que les frères Wachowskys visait. En effet, on passe de l'Élu celui qui n'a pas le choix d'être ce qu'il doit être et accomplir sa destinée à une révélation qui est celle du choix absolu. L'agent Smith qui est l'antechrist Néo, est lui la matérialisation du non choix, de la prédestination. Il est celui qui veut régulariser et conformer, et qui n'est pas capable de supporter autre chose. La question qui reste en suspend est de savoir si l'agent Smith est détruit car son assimilation de Neo a apporté en lui cette notion de changement qu'il n'est pas capable de supporter, ou si, à travers lui c'est la matrice en elle même qui a compris cette notion de choix. Cette question restera très probablement sans réponse, mais en faisant un peu de recherche sur internet, vous verrez que le volume de solution est vaste et peut vous tenir occupé un bon moment.
Si cet opus n'offre pas la complexité philosophique du second (qui en était même un peu surfait), il a le mérite d'exposer clairement les concepts abordés avant, tout en opposant deux facteurs majeurs, de la prédestination au libre choix (autrement dit de l'état de conformisme à celui de réveil de la conscience) et de la victoire unilatérale à la paix partagée et bénéfique.
Tout comme pour les deux premiers, la direction artistique est de toute beauté, et l'univers Matrix est complètement respecté. La direction artistique et la photographie sont dans la continuité de ce qui a fait des deux premiers opus un réel succès. Tour de force ou faiblesse, certains plans de Revolutions semblent des « clichés » de cette trilogie (on pense ici particulièrement à la scène du Lobby et du travail de Trinity). Cette sensation est elle liée au trop grand nombre de clônes que Matrix a généré ou bien à la limite créative que cette série portait, néanmoins cette sensation de déjà vu est bien présente. De même, les dialogues s'ils sont plus clairs (moins cryptiques) ont tous un arrière goût de déjà vu, voir même de trop vu. La scène de la mort de Trinity d'une longueur insupportable ne réussit malheureusement pas à fonctionner.
Matrix Revolution offre une conclusion efficace à une trilogie inégale en offrant un bon film d'action, mais qui malgré un potentiel ne réussit pas à faire renaître la flamme que le premier opus avait réussit à allumer. Certainement moins fluide et efficace dans les scènes d'action que le premier, moins philosophique que le deuxième Revolution reste néanmoins un film d'action aux prouesses visuelles impressionnantes, et qui peut ouvrir vers des réflexions intéressantes si on s'en donne la peine, sans jamais néanmoins réussir à « fonctionner » complètement.
C'est dans une édition deux disques d'une excellente facture que la Warner nous propose Matrix Revolutions, faisant espérer encore un peu plus une réédition du premier Opus (qui souffrait d'un transfert plutôt moyen) afin d'avoir la trilogie complète au niveau technique des deux dernières éditions.