La saison 2 de l'excellente série de Piller & son est une suite ininterrompue de variations autour des visions et des flashs d'un homme-caméra, le médium Johnny Smith. Ce n'est pas la première fois que je vante ici les milles et une vertus de cette série : acteurs surdoués, photo somptueuse, B.O en or (générique reprenant un titre rare de Jeff Buckley, New Year's Prayer, et une musique originale à pleurer de Roy Hay), et enfin intrigues en abymes qui ne cessent d'explorer les talents de visionnaire du héros. Ici le bullet time n'est pas une coquetterie numérique grotesque, mais un véritable procédé narratif visuel, faisant du téléspectateur un témoin occulaire privilégié, la narration n'en est que plus labyrinthique, les voies du scénario bifurquent et vont tout droit là où l'on ne les attendait pas. Les visions de John Smith influent sur ses pulsions et inversement, ce n'est pas un magicien encore moins un sorcier, c'est un homme cognitif, l'anti-Oedipe. Et voilà peut-être son drame : à tout voir on ne vit plus. Pour preuve, le splendide épisode Déjà Voodoo (inspiré d'Un jour sans fin) où notre homme sait déjà que s'il embrasse la magnifique Reiko Aylesworth (déjà vue dans 24) à la fin de la soirée, elle finira indibutablement par mourir d'une balle dans le ventre, ou bien par gâcher sa vie. Alors, et c'est ce qui fait de Mr Smith un héros : il préferra suivre ses visions, restreindre ses pulsions, ne pas la toucher... comme une caméra, comme un film : on regarde mais on ne touche pas... La laissant partir, il lui sauve alors la vie. Ainsi tel Orphée qui s'est retourné et qui a perdu son Eurydice : il a vu, vu l'invisible éclatant, le rien sublime, la lumière derrière l'écran. Maudit privilège du visionnaire dans un monde d'aveugles et de sourds.