On pourrait croire que tout a déjà été dit sur le Titanic. Pourtant, aucun film ni documentaire n'a traité des histoires qui lient le Canada au tragique destin de ce navire. Parmi les quelque 2 000 passagers qui étaient à bord du paquebot de luxe se trouvaient 130 hommes, femmes et enfants en route vers le Canada. Qui étaient-ils? Que leur est-il arrivé? Produit conjointement par les réseaux français et anglais de Radio-Canada en vue du centenaire, ce grand documentaire en deux parties apporte quelques réponses en évoquant l'héritage canadien du transatlantique qui a coulé la nuit du 14 au 15 avril 1912.
Des 130 passagers en route vers le Canada, 82 sont décédés et 48 ont survécu. Leurs attaches au pays s'étalaient des côtes de la Nouvelle-Écosse aux plaines du Manitoba et de la Saskatchewan en passant par les régions urbaines du Québec et de l'Ontario. Ils provenaient d'horizons aussi variés que la bourgeoisie logée en première classe aux immigrants relégués en troisième classe. Les descendants directs des passagers canadiens du Titanic dévoilent les histoires étonnantes et émouvantes de leurs ancêtres. Ceux-ci en apprennent également davantage sur l'expérience de leur famille, puisque le documentaire suit les pistes de toutes les sources disponibles pour mettre à jour de nouvelles informations. Et nous suivons la chronologie du drame lui-même et tentons de resituer ces passagers à divers moments de la tragédie.
Des passagers comme René-Jacques Lévy, un chimiste et passager de deuxième classe qui avait émigré au Québec en 1910 avec sa femme et ses trois filles. Il venait d'assister à des funérailles en France. Le soir du naufrage, il aida une passagère à monter à bord du canot de sauvetage numéro 11, lui fit ses adieux, et n'a jamais été revu. Hélène Lanaudière-Chaput, sa fille Suzette et son fils Quigg installés en première classe. Quigg avait dissimulé dans la cabine C90 une chanteuse de cabaret belge du nom de Berthe Mayné qu'il avait rencontrée à Paris et avec qui il venait d'entreprendre une relation amoureuse. La famille Fortune de Winnipeg, qui avait fait fi de la recommandation d'un voyant de ne pas prendre part à la traversée inaugurale du paquebot. Charles Hays, le fondateur de la ville de Prince Rupert en Colombie-Britannique et le fondateur de la Grand Trunk Railroad, qui allait plus tard devenir le Canadien National.
La tragédie a épargné peu d'hommes. Certains sont morts noyés dans les eaux glaciales de l'Atlantique, d'autres aspirés vers le fond ou écrasés pendant que le bateau coulait. Leurs femmes et enfants ont eu plus de chance; ils ont été sauvés, pour la plupart, dans les canots de sauvetage. Les hommes qui ont choisi d'ignorer la convention « les femmes et les enfants d'abord » et qui sont montés à bord des canots de sauvetage n'ont peut-être pas succombé ce soir-là, mais ont souffert pendant des décennies, ostracisés au travail et par la société. C'est le cas de Paul Chevré, le sculpteur à qui l'ont doit la statue de Samuel de Champlain près du Château Frontenac, à Québec qui se rappelait ainsi le drame : « J'ai entendu des hurlements comme jamais je n'en ai entendus et que je ne n'oublierai jamais. Ce n'était rien d'humain, les voix d'hommes surtout, c'était effrayant. »