Ayant mis aux prises, de la fin septembre 1941 à la fin avril 1942, dans les conditions les plus atroces, un total de sept millions d'hommes dont plus de deux millions et demi devaient figurer au bilan des pertes, la bataille de Moscou représente certainement le plus gigantesque affrontement militaire de l'Histoire moderne. Son issue, de plus, décida en bonne part de celle de la Deuxième Guerre mondiale. Il n'en demeure pas moins qu'au contraire des batailles de Stalingrad ou de Koursk, dont l'importance stratégique et politique fut finalement moindre, elle n'est le plus souvent citée qu'en passant, et très rarement remise à sa vraie place. Il y a des raisons à cela - des raisons pour lesquelles les détails de cet affrontement presque direct entre deux tout-puissants dictateurs, Hitler et Staline, gênent encore bien des historiens officiels. Se penchant, à travers d'émouvants témoignages de survivants comme à travers des archives encore inédites, sur l'effroyable drame humain que représentèrent ces sept mois d'une lutte à la sauvagerie sans bornes, et n'hésitant pas, en violant tous les tabous, à explorer les coulisses politicopsychologiques de cette tragédie, Andrew Nagorski nous apporte, en même temps qu'un récit passionnant, les raisons de l'étrange discrétion continuant à entourer l'un des épisodes clés de la Deuxième Guerre mondiale.
Avec son magistral Stalingrad, rapidement devenu un best-seller mondial, Antony Beevor avait réussi à donner toute son ampleur tragique à l'une des plus terribles batailles de l'histoire de l'humanité. Le récit de la chute de Berlin, qui consacre, en 1945, l'effondrement du Troisième Reich et du rêve hitlérien de domination mondiale, était, comme il le souligne dans sa préface, la suite logique de cet ouvrage, en même temps que l'évocation d'un drame humain à peu près sans précédent. C'est, en effet, avec une terrible soif de vengeance, après les exactions commises par les Allemands en Russie, que l'Armée rouge atteint les frontières du Reich puis s'approche inexorablement de Berlin, devenu pour elle l'antre de la bête fasciste. Et cette vengeance sera effroyable : villes et villages anéantis, civils écrasés par les chenilles des chars, viols et meurtres en série, pillage systématique. Des centaines de milliers de femmes et d'enfants vont périr, souvent de faim ou de froid, et plus de sept millions de personnes s'enfuiront vers l'ouest pour tenter d'échapper à la mort et à la terreur. Mais, en même temps qu'il est assailli par un ennemi à l'incroyable férocité - encore que quelques traits d'humanité viennent parfois éclairer une fresque digne de Goya -, le peuple allemand est souvent sacrifié par des gouvernants que l'orgueil et le fanatisme conduisent à l'aberration la plus meurtrière. S'appuyant sur des archives souvent inédites, Antony Beevor nous livre non seulement un document historique capital, mais aussi un grand récit tragique et poignant, où l'on voit se déchaîner, portées à leur paroxysme, toutes les passions humaines, où l'orgueil rejoint la folie, la ruse côtoie la bêtise, l'héroïsme cohabite avec la peur, l'abnégation avec la cruauté.
La bataille de Stalingrad représente sans doute le tournant principal de la Deuxième Guerre mondiale, en même temps que l'un des plus grands drames humains qu'ait jamais engendrés un conflit.
C'est à Stalingrad, en effet, sur les bords de la Volga, que se brisa à jamais, au coeur du terrible hiver 1942-1943, le rêve hitlérien de soumission de la Russie et de conquête d'un Empire oriental sans précédent pour le « Reich millénaire ». C'est là aussi et surtout que se brisa l'Armée allemande. La Wehrmacht, naguère triomphante, perdit à Stalingrad beaucoup plus que les 275 000 hommes pris au piège dans les ruines d'une cité devenue symbole. Elle y perdit son âme et la conviction de son invincibilité. Après Stalingrad, elle ne sera plus jamais la même.