L'objet de ce journal n'est donc pas son auteur, mais cette Europe qu'il a vue, d'un regard de plus en plus fasciné et horrifié, dévaler follement la route d'Armageddon pendant la seconde moitié des années 1930. Un seul pays, l'Allemagne, et un seul homme, Hitler, conduisaient l'Europe vers le désastre. J'ai passé dans ce pays à proximité de cet homme la plupart des années que j'ai vécues outre-mer. C'est de cet excellent point d'observation que j'ai vu les démocraties européennes chanceler, se lézarder et retraiter, leur confiance, leur jugement et leur volonté paralysés, d'un bastion à l'autre jusqu'à ce qu'il leur fut devenu impossible, sauf à l'Angleterre, de résister. De l'intérieur de cette citadelle solitaire, je pouvais aussi voir Hitler aller de victoire en victoire, unifiant l'Allemagne, la réarmant, écrasant et annexant ses voisins, jusqu'à ce qu'il eut fait du Troisième Reich le maître armé du continent